Digital factory : révolution ou geek washing?
N'est pas agile qui veut... plus l'on est gros, vieux et structuré et moins on est agile. C'est un constat qui a amené, dans le sillon du mouvement mondial vers des modèles de "business innovation" plus créatifs et moins supervisés, de grands groupes dans différents secteurs à monter des "Digital Factory". Ces projets, dotés de centaines de millions d'euros, furent pensés comme un antidote à l'impuissance des structures traditionnelles à faire face aux innovations des disrupteurs dans leur domaine, start-up en tête. Les objectifs sont louables: dynamiser l’innovation, créer "in-house" des produits et services numériques disruptifs, réduire le "time to market", changer la culture interne et se prémunir contre "les invasions barbares". La promesse de base, offrir un espace d'intrapreneuriat non supervisé pour challenger et faire évoluer les métiers historiques de l'entreprise semblait effectivement innovante. Mais les méthodes se sont pour l'instant révélées plutôt classiques : rajeunir les chefs de projets et acheter de jeunes pousses et les talents qui vont avec. Il en ressort, à ce jour, un triple constat d'échec:
- Le premier est stratégique : vouloir changer sa culture interne en créant une entité dont le premier principe est d'être à l'extérieur de la structure ne parait pas évident à première vue...
- Le deuxième constat est un rappel des faits : lorsqu'un secteur est uberisé, c'est "winner takes all", un tout petit nombre d'acteurs font de l'hypercroissance dans le but de dominer largement le marché. On ne lutte pas frontalement contre des milliards avec des millions, même des centaines. Les plans exacts de la fabrique de licornes n'ont pas encore été trouvés.
- Enfin, le troisième échec a été l'incapacité chronique d'intégrer et industrialiser les bonnes idées dans les structures d'origine. Au lieu de cela, on a souvent créé des rivalités dans la gouvernance, entre profils digitaux et spécialistes des métiers historiques. Pas d'alignement, peu de succès.
Air France, Total et d'autres annoncent des projets de Digital Factory pour 2020. Il sera intéressant de voir si les leçons ont été tirées de l'échec des pionniers français en la matière. Le groupe Accor avait lancé la sienne en 2014 pour repousser les barbares de son secteur, comme Expedia, Booking.com ou encore Airbnb, on attend toujours la révolution annoncée... À suivre!