Le vin au défi de la transition digitale en 6 étapes

Ce Mercredi 4 décembre 2019, j'ai eu la chance d'être invité à participer à une table ronde sur le thème "imaginons le vin de demain" lors du Wine Summit de BSB Junior Consulting, la junior entreprise de BSB Dijon. M'a été posée cette question :

Comme tous les secteurs, la viticulture connait une transition digitale, comment se l'approprier?

La question pourrait être débattue pendant des heures, mais voici, selon mon expérience, quelques éléments de réponse :

Une fois la constatation faite du “retard digital” de la filière vitivinicole, le véritable défi pour l’entreprise, de la production à la distribution, est de (re)devenir "apprenante" pour se projeter dans son avenir numérique, cela consiste à implémenter une démarche de mutation digitale, réelle, tangible et utile.

Passer de l’idée à l’action implique des choix difficiles et l’acceptation d’une certaine dose d’incertitude et de complexité. La transformation digitale altère les modèles économiques, remet en cause les fonctionnements, ainsi que le rapport des employés à leur travail. Domaine, Maison, Négociant, Coopérative, Marchand, Agent, Caviste, il est difficile de dresser une feuille de route pertinente pour l’ensemble des structures, mais certains fondamentaux semblent indispensables à l’entreprise du monde du vin qui souhaite se digitaliser :

1/ Une vision stratégique et une gestion claire des priorités

"In order to move forward together, everyone must be aligned". Ce conseil célèbre de Rockfeller s'applique à la transformation digitale. Il faut se fixer des priorités en fonction des axes stratégiques de l'entreprise, sinon on risque fort de se perdre dans les limbes de la digitalisation : projet infini, résultats décevants, découragement des équipes, perte de sens...

Cela implique deux choses :

  • Qu'il existe une volonté partagée au sommet de l'organisation pour mener les mutations nécessaires avec le sérieux qu'il convient
  • Que des axes stratégiques soit clairement identifiés et communiqués comme prioritaires afin de concentrer les efforts de l'organisation sur ceux-ci

2/ La création ou l'intégration de compétences clés

Pour digitaliser, il faut des compétences nouvelles, c'est là une condition nécessaire, mais certainement pas suffisante. La montée en compétence de l'homme-orchestre ou des cadres "métier" est primordiale pour qu'il n'y ait pas une rupture culturelle. En effet, l'accompagnement du changement ne peut pas se faire contre la volonté de l'entreprise. Il se trouve que les personnes les mieux placées pour réussir sont, sans surprise, celles qui connaissent bien la culture de l'entreprise, ses enjeux, ses limites et ses paradoxes.

Afin de réconcilier changement radical et intégration culturelle, il faut s'attacher à créer des "squad", composées de profils techniques, mais aussi managériaux, de ressources internes, mais aussi externes. Cela a le bénéfice d’offrir une solution aux deux problèmes de toute transition : le manque de réactivité et d’implication dans la conduite du changement.

3/ Pour les entreprises déjà structurées : priorité à l'agilité

La prise en compte des notions d'UX a déjà eu un impact très important sur les méthodes de conception. Le principe du développement en cascade est définitivement mort au profit des principes d'agilité à l'oeuvre dans les start-up. L'intégration de macrosolution est de plus en plus délaissée au profit d'outils SaaS plus spécialisés et évolutifs, qui s’intègrent les uns avec les autres et se déploient en quelques semaines. Le DSI (Directeur des Services d'Information) s'est transformé en CTO (Directeur de la Technologie) ou en CDO (Directeur du Digital) et son rôle est de plus en plus transversal : il consiste à coordonner l'effort technologique pour satisfaire les besoins de chaque métier de l'entreprise. Mais attention, n'est pas agile qui veut...

4/ L’abolition des barrières spatiales et temporelles

Fondamental. La transformation digitale va en effet de pair avec la notion de temps réel, tandis qu’elle efface les distances entre les personnes, elle entraîne dans le même temps une évolution de l’exigence de l’accès à l’information et aux services. Précision, confort d’utilisation et instantanéité doivent donc être les maîtres-mots du développement des nouveaux outils de pilotage de la relation commerciale. Plus largement, l’amélioration de l'expérience utilisateur doit être remise au cœur des objectifs lorsque se conçoivent les nouvelles offres de produit et de service.

Déjà en 2013, 80% des entreprises en faillite n'avaient aucune présence en ligne. Il ne faut pas confondre corrélation et causalité, mais il est aujourd'hui insensé de ne pas profiter de l'accès instantané et global aux marchés qu'offre le monde du digital, même pour une entreprise dont le business est à priori purement local et physique.

5/ L’adaptation opérationnelle de l’entreprise

La conduite du changement est une discipline hautement transversale, elle impose que chacun accepte et implémente le changement pour que l’ensemble de l’organisation soit plus efficace. Néanmoins, il faut éviter la marche forcée, et prendre en compte l’expérience de chacun.

Fonctionnellement, par exemple, offrir la possibilité de rester connecté en mobilité a pour conséquence “l’ouverture” d’une partie des systèmes de l’entreprise. Il faut alors veiller à ce que la sécurité des données reste une priorité sans pour autant constituer une barrière au progrès. Le respect des lois et des règlements est également un principe fondamental et une obligation de l’entreprise, digitale ou non. Le RGPD impose, par exemple, une introspection assez précise, qui, même dans un contexte peu digital, ne doit pas être négligée. Aussi, dans le secteur vitivinicole, très politisé et règlementé, il est souvent pertinent de recourir à un conseil juridique, qui plus est dans un contexte international où les lois peuvent varier drastiquement d’un pays à l’autre.

6/ La compréhension de l’entreprise de la “culture Internet”

C'est clairement un impératif, le problème étant que cela ne se décrète pas ! L’adoption des codes et de la culture web : son langage, ses rites, ses normes, son état d’esprit, ses valeurs communes, sa “visualité” aux vertus universalistes, sont souvent corrélés à la pyramide des âges de l’entreprise. Plus la structure promeut et valorise l’intégration et l’expérience spécifique des “millénials” et des “digital natives”, plus la rencontre du monde physique et du digital devient une évidence pour l’ensemble de la structure. L’important étant, encore une fois, de ne pas accumuler de la dette technologique par rapport à ses concurrents. L’UNESCO reconnait aujourd'hui l'universalité d'internet, qui met en évidence quatre domaines distincts, mais interdépendants : l’accès à l’information et au savoir, la liberté d’expression, la vie privée et l’éthique en ligne. Il consacre définitivement l’internet en tant que droit, il est partout, tout le temps, il semble donc important pour l'entreprise qui souhaite se projeter dans le futur, d'en connaitre les codes!

Conclusion

Cela ne saurait constituer un mode d'emploi, mais c'est une feuille de route qui permet, à défaut de révolutionner son entreprise, de se préparer au mieux aux changements majeurs de notre époque. Les entreprises qui seront le mieux réfléchir et investir pour proposer une offre différenciante à leurs "utilisateurs" feront partie des gagnants! La révolution digitale offre des opportunités exceptionnelles si toutefois on sait s’approprier les technologies numériques pour renforcer la relation avec les clients finaux et leur faire vivre une expérience digitale mémorable. Le tout en ne négligeant pas, dans le même temps, les affaires de leurs clients professionnels, revendeurs et prescripteurs historiques...

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